FACE A LA SOUFFRANCE : Conclusion
FACE A LA SOUFFRANCE
Gabriel Monet*
Conclusion
Au bout de notre rapide enquête au pays de la souffrance, nous pouvons conclure que rester humain et chrétien face à la vie : c'est garder une parcelle de foi dans la dignité de la nature humaine, dans la valeur sacrée de la vie et de son mystère, c'est se préoccuper sans cesse d'adapter ses découvertes à la nature intégrale de l'homme, c'est se reconnaître serviteur de l'humanité et à ce titre, lutter énergiquement contre tout ce qui rabaisse l'homme, c'est développer constamment en soi-même le souci de se pencher avec une piété fraternelle sur les membres souffrants de la famille humaine, c'est transformer la douleur en maîtresse de vie.
La souffrance, souvent inutile et destructrice, peut-elle être assumée et récupérée au point d'apporter à la vie de celui qui souffre quelque chose de positif ? Tout dépend du genre et de l'intensité de la souffrance. Il y a des formes de souffrance tellement intenses qu'elles débordent toutes les défenses psychologiques de l'individu et entraînent inévitablement sa destruction (torture, maladies terminales, etc...). D'autres souffrances sont susceptibles d'être assumées et surmontées même admirablement.
Normalement toute souffrance - surtout morale - a trois temps : déstabilisation (on se sent violé, paralysé, insécurisé), deuil (on se sent confronté à la réalité et on réagit de différentes manières : rébellion, dépression, régression, etc.), dépassement : la vie, même mutilée, renaît. Ces phases correspondent avec les trois moments de la passion du Christ, notre modèle : crucifixion (temps excédé par l'intensité et la brutalité du mal), mise au tombeau (temps de silence, de désorientation, de souvenir), résurrection (temps d'espérance, d'action et de reconstruction). Beaucoup de personnes n'arrivent jamais à ce dernier stade. La souffrance les enferme sur elles-mêmes (avec des douleurs réelles ou somatisations). Combien de gens ne souffrent-ils pas des malheurs qui ne les ont jamais touchés ?
Pour dépasser la souffrance, il est nécessaire de l'assumer et ensuite d'apprendre à souffrir. Il ne s'agit pas de se résigner face à sa souffrance mais de ne pas se laisser bloquer par elle. Voir plus loin ! Le désir irrésistible de vouloir que la souffrance cesse n'est jamais aboli. Mais dans un exercice suprême de la liberté, d'autres valeurs sont mises par dessus la souffrance, de manière à ce que celle-ci ne soit plus la maîtresse absolue de ma vie. Le Christ nous a montré que l'être humain est capable de mettre en marche une force et un courage qui ne sont pas faits d'indifférence, ni d'insensibilité, mais qui sont capables de remporter la victoire sur la puissance paralysante (de repliement) de la souffrance. Cette victoire est toujours ambiguë et précaire mais elle met normalement en marche des mécanismes positifs insoupçonnés qui généralement tiennent à quelque chose de supérieur, en dehors de soi. A Gethsémané, Jésus vit cette lutte entre Ie refus de la souffrance et son acceptation comme passage inévitable sur quelque chose de plus important, face à quoi la souffrance devient secondaire (transcender la souffrance).
C'est pourquoi, pour aider ceux qui souffrent, il n'est pas suffisant d'apporter un soulagement. L'essentiel est d'apporter cette force du dehors, cette grâce, ce recours spirituel qui donne le courage nécessaire pour consacrer ses efforts à quelque chose de plus précieux. La conséquence positive la plus immédiate de la souffrance est la capacité qu'elle peut donner pour comprendre la souffrance des autres. Finalement, notre manière de faire face à la souffrance révélera qui nous sommes. Le croyant peut trouver des ressources infinies dans l'amour de Dieu. Car on peut affronter tout quand on se sait pleinement compris et absolument aimé ! “Je peux tout en celui qui me rend fort ” (Philippiens 4.13). Seulement par la foi, par la Grâce, par Christ !
* Cet article a été repris avec l'aimable autorisation de l'auteur.
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